mardi, octobre 31, 2006

CAVALIER

1- Okinawa, IshigakiJima. 4 jours sur la plage, au bord de l’eau, dans la piscine, à vélo, dans une charette à boeufs, au buffet à volonté, dans l’avion encore, en bateau (malheureusement), en voiture, dans un lit, entre ses cuisses (mais la tête ailleurs).
Je fume trop avec elle. elle allume sa première cigarette avant même le café.
L’ennui vient vite mais je suis bronzé comme je l’étais enfant.

2- Elle est ma fille unique. ma soeur ainée, ma seule amie.
qui a changé ma vie,
à qui j’ai appris
dans le parc à faire du vélo
(le plus beau jour de ma vie).
J’avais promis
même si je m’éloigne
de ne jamais disparaitre
et de toujours l’aider.
Elle, l’a déjà fait
mais quoi qu’on fasse
l’amour parfois n’est pas sexy
et je l’ai frappé au sol .
Aujourd’hui dimanche
je me rappelle ma promesse
et pour la première fois je peux
lui parler de quelqu’un d’autre.

3- Je veux juste la voir.
Je suis parti pour être sûr,
pour avoir
envie de la voir.
Maintenant je sais
et ça n’a jamais été comme ça
mais ça aurait du
être plus facile.
ça n’a jamais été comme ça.
mais je crois qu'elle ne m’aime pas.

lundi, juillet 03, 2006

LES TRACES DU PASSAGE D'UNE MEDUSE AU DESSUS DES FESSES

Restaurant italien. Le repas s’éternise. On en est aux commentaires sur la prestation télé catastrophique d’un écrivain, deux jours plus tôt. On en est à se demander si ça remet en question ses qualités artistiques. On en est à essayer de cerner ce qui fait la différence entre un artiste et un type juste doué.
Pendant ce temps, sur un écran plasma, les images silencieuses de pizza en fabrication. Le repas s’éternise et maintenant je suis le film. Sur les 5 dernières minutes, des plans d’une ville italienne, Naples après renseignement. Juste un film touristique.
Est-ce qu’elle parle encore français? Est-ce qu’elle comprend le mien?
Elle me manque et maintenant j’ai envie d’être avec elle à Naples parce que c’est ce que j’ai sous les yeux. Réserver une chambre pour 3 ou 4 jours, avec des persiennes en bois et une vue sur la mer ou le volcan au loin.
Envie d’Europe latine, de chaleur sèche et d’odeur d’olives. Respirer l’air du matin, ses cheveux, et arréter de fumer.



A l'aéroport on croise le type du film, celui qui vit dans ce terminal. Je lui dis “t’as vu? c’est le type du film” et elle voit de qui je parle.
On boit des cafés et on ne parle de rien de précis.
On a presque l’air amoureux.
J'ai l’air triste mais je ne suis pas venu pour m’amuser après tout.
Elle me regarde un peu.
Je n’ai pas besoin de sympathie mais je crois qu'elle m’aime bien.

Dans le train qui me ramène à la gare centrale. Dans le journal du jour de son départ:
Le premier ministre n’entend pas céder.
Un plongeur est prisonnier à Djakarta pour les trésors qu’il a péché.
Un cliché dans le désert de Kirk Douglas blessé au côté gauche.
Rien ne m’arrête. Rien ne retient l’attention.

Juste avant de s’envoler elle dit "merci", mais il est déjà trop tard pour répondre.
J'écoute la discussion téléphonique d'un homme en face de moi et j'imagine que c'est la notre.
Un enfant lèche la vitre. Un autre plus petit se débat dans les bras de sa mère.
La personne à l'autre bout du fil demande ce qui se passe. L'homme répond “Non, rien. C’est un bébé qui pleure. Tu veux lui parler?”

vendredi, juin 02, 2006

SHIMIZU MISA



Hésité longtemps entre une guitare et une chemise. Pan coupé ou col italien? J’ai tranché cette semaine pour la Takamine ci-dessus (à gauche mes bottines en python qui fêtent leur 4 ans ce mois-ci). En sortant du magasin le temps était magnifique et je suis allé jouer dans un parc. C’est informel, moins intimidant qu’un concert et ça m’habitue à ne pas avoir peur d’être entendu. Un vieil homme s’est assis 10mn à côté de moi pour jeter du pain aux moineaux.

Aujourd'hui beaucoup de filles avaient des chapeaux aux larges bords ou des ombrelles qui les protègent du soleil.
Le temps file et je m’entoure de revitaliseur total, masque hydratant, mousse nettoyante, gel exfoliant, gel apaisant contour des yeux.
Je reste inquiet. Je me dis que si ma mère a été capable de me faire, elle devrait être capable de me refaire. Je devrais essayer de dormir maintenant.

Imamura Shohei est mort dimanche à 79 ans.
Son cinéma est l’une des choses qui m’ont attiré dans ce pays. Le Japon dont il parlait est celui que je continue à aimer. A cela quelqu’un m’a répondu hier “mais les films ne sont que des films”. Peut-être mais. On voit ici un Japon où les femmes sont plus consistantes que les hommes, où elles les corrigent lorsqu’ils se trompent. Elles ne sont pas plus fortes - on n'est pas dans un rapport de forces - elles sont juste capables de réaction, capables de faire face là où les hommes se laissent plus facilement glisser. Elles sont capables aussi d’être amoureuses quand les hommes ne sont qu’amateurs. Elles n’ont pas peur de la marge, de sortir d'un système qui ne les satisfait pas. Pas complètement fictif je crois. Et c'est encore plus beau ici et ça l'est surtout quand ces femmes s’appellent Misa Shimizu. En deux films et demi (l’Anguille, de l’Eau Tiède sous un Pont Rouge et une apparition dans Kanzo Sensei), j’étais tombé amoureux de cette actrice - jamais revue ensuite - et de ses personnages.

lundi, mai 29, 2006

UNE SUITE DE GENS QUI DISENT AU REVOIR

Parce qu’aujourd’hui on a déjeuné dans un restaurant mexicain, je me suis rappelé qu’il y a très longtemps, je ne voulais manger que tex-mex. Quand exactement, où et pourquoi? Le contexte ne m’est revenu que vers la fin du repas. Comment expliquer sans rire qu’il y a 5 années de ma vie dont je ne garde aucun souvenir? Comme lorsque quelqu’un parle d'un film vu distraitement il y a des lustres. On se souvient l’avoir vu mais ne remontent que quelques images pas très nettes, une impression générale. Comme la vie d’un autre.
Dans le train, j’essaie de noter très vite ce dont je me souviens mais la liste ne dépasse pas la demi-page. Je ne parle pas de ce qu’il y a écrit sur mon CV parce que je suis sûr qu’il est faux:

A 21 ans je crois, je me brûle donc souvent les lèvres au son de trompettes mariachi. A part ça, l’armée m’exempte du service militaire. Sortant du centre de sélection je téléphone à ma copine mais c’est sa mère qui répond. Elle est très contente pour moi et je suis aussi heureux de parler 10 minutes avec cette femme que je ne rencontrerai jamais. L’année suivante, je passe quelques mois avec une fille aussi belle qu'insupportable. Son chien me mord. Je ne sais plus qui est parti le premier. Puis pendant un an je n’ai aucune relation sexuelle. Quand soudain je tombe fou amoureux d’une fille qui préfère les filles. Bientôt j’ai 25 ans et je veux être amoureux encore mais ne tremble alors que pour quelques connes à qui je ferais mieux de casser les jambes. Au même moment je suis veilleur de nuit dans un hôtel. La manageuse m’apprend que je remplace un type qui s’est fait poignardé par un client. Je couche avec elle dans une chambre du rez-de-chaussée. Elle se marie 2 semaines plus tard.
Le tout est ponctué de week-ends beaux et tristes avec mon frêre au bord de la mer, de réveillons systématiquement désastreux, de tentatives confuses de faire des choses mais une totale impuissance à les concrétiser.
Je me réveille à New-York en 98. La ville ne m’ impressionne pas (au sens photographique du terme) mais tout à coup, comment dire... Prendre l’avion devient quelque chose de possible.

Cet exercice de mémoire m’a occupé 2 heures. Aujourd’hui je suis à Tokyo, chez moi ou pas. Je sens juste que je tiens un peu mieux les choses, que je suis en chemin. Je traverse encore des parcs. Je croise toujours des gens que rapidement je vois de dos.
Et quelqu’un a épinglé mon âge sur ma veste pour ne pas que je l’oublie.


L'album “Not on Top” d’Herman Dune est excellent, ainsi que le dernier Phoenix “It’s never been like that” et celui de Thomas Mery “A ship, like a ghost, like a cell” qui sort aujourd’hui.

jeudi, mai 25, 2006

J'ECRIS DE LA MAIN DROITE COMME UN GAUCHER

Shinjuku san-chôme. La fille trouvait toujours quelque chose à dire. Non stop. La sonnerie de son mobile était un air que j’avais déjà entendu au combini. De son côté, le barman choisissait toujours un mauvais disque au milieu des bons. à la fin, lorsque que je faisais mine de partir, il essayait de me retenir avec A change is gonna come de Otis Redding, sans doute parce qu’il m’avait vu fermer les yeux là-dessus. Et bien sûr ça marchait, mais juste le temps de la chanson, ou parfois de deux s’il était trop occupé à écouter la fille et laissait filer Otis Blue.
Ensuite je suis tombé sur un bar où on n’écoute que Jackson Browne. Un concept improbable. L’homme au comptoir a une chemise à carreaux et les clients reprennent en choeur. Là, j'ai essayé de calculer le temps passé à faire et défaire des valises, à vider les lieux, à dire au revoir. Puis j'ai pensé aux canifs et aux contrats. Enfin je suis rentré.


Sur mon bureau
consignes de sécurité
à bord et chocolat
Jean-Paul Hévin
air conditionné
dans l’enveloppe l’argent
du loyer que je paierai demain
2 canettes de café
froid + un thé au lait
Françoise Dorleac en fond d’écran.
cendrier plein

lundi, mai 15, 2006

A PROPOS D'HIER

Je suis sorti dimanche dernier. C’est quelque chose que je ne fais pas trop ces temps-ci. Je suis allé à Meguro, à une fête donnée dans le bureau de Yasuko et Rumi. Elles s’occupent de management musical, pas mal axé sur le développement d’artistes français au Japon. Deux femmes ambitieuses donc.
J’ai retiré mes chaussures à 17H. Je les ai remises à 5H30. Entre les deux, il y avait une fille coréenne très belle qui a changé de chapeau en arrivant. Un chapeau d’extérieur et un d’intérieur: tout à fait le genre de détail que j’aime. Son copain gentil mais bizarre est resté caché aux toilettes la moitié du temps: rien à y redire non plus.
Un garçon français a joué du violoncelle. Monsieur Tokuda a fait la cuisine. Deux enfants jouaient sur le canapé.
Très tard, Rumi a parlé de son père toujours absent lorsqu’elle était enfant, de sa mère qui lui demandait régulièrement si elle avait idée de où il pouvait être. Aussi, par association d’idées sans doute, et comme certains peuvent rechercher le calme et la fraicheur des églises, elle se réfugiait dans les bureaux de poste. Des heures assises à regarder les gens envoyer et recevoir des nouvelles. Une passion qui l’a tenue longtemps puisqu’elle à même tenté d’y travailler, d’être au milieu de ces gens capables de communiquer. Mais l’employé chargé du recrutement s’est méfié de cette femme qui venait le solliciter après 15 années passées en France et dans l’industrie musicale.
Après ça, j’ai acheté un lit, me suis tondu le crâne, suis allé à la piscine. J’ai lu un truc philosophique qui cherchait à définir l’idée de “foyer” et je me suis laborieusement remis dans les chansons. La rouille dont on parlait... L’air ici est humide et tout se grippe rapidement. Maintenant ça va.
Nom de code: TOKYO ZÉRO DEGRÉ. J’ai 1000 bouts de textes, d’images, de suites d’accords que j’essaie d’organiser.
Pour me ravitailler je fais des aller-retours Aux Bacchanales, brasserie française en face de chez moi. J’y emporte toujours mon carnet au cas où les choses paraitraient plus claires en terrasse.

jeudi, mai 04, 2006

DEAN MARTIN

Après-midi de promenade ensoleillée dans le quartier de Kagurazaka. Très doux. Un bon endroit à vivre je pense.
Au Mugimaru café je bois des bières avec un boxeur amateur:
Le corps a toujours raison dit-il. Un oiseau qui décide de voler vers le sud n’a pas développé de théorie sur la question mais il a quand même raison. (...) La ligne droite est le plus court chemin du point A au point B, mais je tournerai toujours à gauche si mon corps me le demande.
Le boxeur a besoin d’être épuisé, de toucher ses limites physiques pour se sentir vivre . Il me dit que c’est sa recette du bonheur. Il me demande ce dont j’ai besoin pour être heureux. Tenté de citer Dean Martin en répondant “une bonne pipe, une bouteille de scotch et 10 000 dollars”, j’esquive en parlant de fabriquer des choses, des chaises ou des chansons. Ensuite, je ne reçois la discussion que par bribes: “Il faut dépasser les mathématiques. Tu fais le calcul et puis tu jettes le calcul”. Des trucs comme ça. A la fin, le boxeur s’endort devant sa bière.

Mon IPod n’a pas assez de mémoire pour supporter 1050 chansons. Moi non plus. Une douzaine me suffirait.

A 34 ans j’essaie de me raisonner. Les chansons sont toujours là et avancent par accoups. La plus vieille à 4 ans. Difficile de devenir la révélation pop franco-nippone tout en continuant de:
1, 2 et 3 - améliorer mon japonais pour qu’en cas de paternité je puisse expliquer à la mère pourquoi j’aimerais qu’on garde l’enfant et qu’elle me garde aussi. Puis un peu plus tard, pour éviter les situations du type “Désolé, papa pas comprendre, demande à maman”.
4, 5 et 6 - m’habiller chez Dior (par exemple), ce qui suppose des moyens physiques puisque Hedi Slimane n’a pas prévu de place pour les poignées d’amour, et financiers. Donc, ne pas m’éloigner des salles de sport et donner autant de temps et d’énergie que nécessaire au développement de mes petites affaires.
Mais je suis incapable de sacrifier quoi que ce soit, alors je laisse venir. Je laisse les choix se faire naturellement et continue à aller dans le sens d'une vie pleine de tout.

Je crois qu'il y a juste l’espace d’une main entre son cou et la pointe du menton.